La Bretagne, terre de légendes et de traditions, regorge de coutumes et de savoir-faire ancestraux. Parmi les trésors culturels de cette région, la broderie Glazig occupe une place de choix, témoignant d’un artisanat hautement symbolique et artistique. Mais d’où vient ce terme « Glazig », et pourquoi cet art de broderie revêt-il tant d’importance ? Plongez pour une immersion dans l’histoire de cette broderie bretonne, à la croisée de la tradition et de la modernité.
Les Origines du Terme Glazig

Le terme Glazig (ou Glazik) trouve ses racines dans la langue bretonne, où « glaz » signifie « bleu » et le suffixe « -ig » ajoute une notion de petitesse ou d’affection, donnant ainsi « petit bleu ». Cette appellation ne se limite pas à une simple couleur de fil : elle désigne à la fois une région, le pays Glazig, situé autour de Quimper dans le Finistère, dont la technique de broderie emblématique. Le nom provient des costumes traditionnels masculins de cette zone, confectionnés en étoffe bleue, une couleur qui serait, selon la coutume, issue des surplus de draps de l’armée napoléonienne après 1815. Ainsi, le Glazig incarne une identité culturelle forte, mêlant terroir et artisanat.
Avant la Révolution française de 1789, la broderie en Bretagne, comme dans le reste de la France, était un luxe réservé aux classes aristocratiques et cléricales, régi par des lois somptuaires qui limitaient l’usage des étoffes précieuses et des ornements aux élites. Ce n’est qu’avec l’abolition de ces restrictions et l’essor du commerce au XIXᵉ siècle que la broderie s’est démocratisée, portée par les colporteurs qui diffusaient des tissus issus des manufactures de Lyon ou Montauban. En Bretagne, cette ouverture a permis l’émergence de costumes brodés, reflets du statut social et de l’origine géographique de leurs porteurs.
Les Costumes Traditionnels du Pays Glazig
Le Costume Masculin : Le Glazig

Le costume masculin du pays Glazig, baptisé « petit bleu » en raison de sa teinte dominante, se compose de cinq pièces dans sa forme tardive : un pantalon gris rayé, une chemise en coton ou lin à col officier parfois brodée ton sur ton, deux vestes en drap bleu – le jiletenn (avec manches) et le chupenn (sans manches, porté par-dessus) – et un chapeau en feutre taupé. Les broderies, riches et colorées, ornent principalement les vestes, avec des bandes de velours et des motifs en fil de soie, à dominante jaune d’or, agrémentés de orange, vert, violet, rouge et blanc. Leur abondance et leur sophistication variaient selon la richesse du porteur, allant jusqu’à quatre rangs de broderie pour les plus aisés.
Le chupenn, veste courte à deux pans, présente une particularité : un côté richement brodé pour les cérémonies (dimanches, mariages, pardons) et un autre plus sobre pour le quotidien. Cette dualité, typique des hommes, contraste avec les gilets féminins, généralement à manches longues et uniformément ornés. Le chapeau, quant à lui, évolue avec le statut : les jeunes hommes portent des rubans de velours dans le dos, coupés après le mariage pour mettre en valeur une boucle rectangulaire, souvent personnalisée.
Le Costume Féminin : La Borledenn
Les femmes du pays Glazig, portent un costume appelé « borledenn », nommé d’après leur coiffe distinctive (« bord large » en breton), portent un costume différent, composé d’un gilet à manches (jiletenn), d’un corselet (manchou) baleiné qui affine la taille, d’une jupe froncée (broz), d’un tablier (tavancher) et de la fameuse coiffe. Cette dernière, montée sur carton et recouverte de tissu (bleu ou rose pour les jeunes filles, blanc pour les mariées, noir pour les femmes mariées ou en deuil), est ornée de filets rebrodés de motifs floraux ou celtiques. Le costume, souvent en velours ou satin noir, pouvait être blanc pour les mariées et les communiantes. Les broderies, réalisées en fil de soie ou avec des perles, privilégient des teintes comme le rose, très prisé dans ce terroir.
Caractéristiques et Techniques de la Broderie Glazig
La broderie Glazig se distingue par sa localisation – encolures, plastrons et manches – et son relief, obtenu grâce à la superposition de couches de toile et de feutre. Cette technique, nécessitant force et précision, était traditionnellement l’apanage des hommes, les kéméner (brodeurs-tailleurs), qui poussaient l’aiguille à travers ces épaisseurs, ce qui nécessitait une force certaine.
Les points de broderie Glazig
Les points employés sont variés :
- Point de chaînette (dominant),
- Point de feston,
- Passé plat,
- Point de tige,
- Point de neudé,
- Et parfois des techniques locales comme le galon d’Elliant ou galon de Pougastel.
Motifs et symboles de la broderie glazig
Les motifs, initialement géométriques, se sont enrichis au fil du temps de formes inspirées du terroir : palmettes, fleurs de lys, cœurs, fougères ou arêtes de poisson. Ces symboles portent une signification profonde ou une croyance chère à la culture bretonne :

- La chaîne de vie (chadennad buhezek) : symbole de la confiance en Dieu,
- Les cornes de bélier (kornoù maout) : symbolisent la force,
- Les dents de scie (heskenn dantoù) : symbolisent le travail,
- La fougère (boud-radenn) : l’abondance,
- L’arête de poisson (dreink pesk) : l’attachement à la mer,
- Le soleil (heol) : la joie,
- La plume de paon (pleon pavenn) : l’orgueil (ou plus positivement, la fierté),
- La planète (planedenn) : la chance ou la « bonne étoile ».
Ces symboles sont également beaucoup représentés dans l’ensemble de l’art breton, ameublement, bijoux, faïence dont notamment les fameuses faïences de Quimper…




Évolution Historique
La broderie Glazig connaît son apogée entre 1880 et 1914, période où les plastrons s’élargissent (30 à 35 cm) et s’ornent de motifs complexes. Cependant, la Première Guerre mondiale et l’industrialisation marquent son déclin : les hommes, revenant du front, abandonnent progressivement le costume traditionnel pour des tenues citadines, conservant parfois le chapeau ou le gilet. Chez les femmes, la coiffe persiste comme signe identitaire jusqu’au milieu du XXᵉ siècle, notamment lors des pardons comme ceux de Locronan ou Sainte-Anne-la-Palud.
La Broderie Glazig au XXIᵉ Siècle : Transmission et Renouveau
Aujourd’hui, la broderie Glazig connaît un regain d’intérêt, porté par la transmission des savoir-faire et son adaptation à la modernité. Les cercles celtiques, la haute couture et la broderie-loisir en font un art vivant, préservé et réinventé. Une figure clé de ce renouveau est Pascal Jaouen, brodeur-créateur qui, depuis la fondation de son École de Broderie d’Art à Quimper en 1995, enseigne ces techniques en Bretagne et à l’international. Ses créations, présentées lors de défilés, mêlent tradition et avant-gardisme, séduisant un public varié par leurs couleurs vives et leurs motifs, qu’ils soient classiques ou contemporains.
L’engouement pour la broderie-loisir doit beaucoup à cette dynamique : la richesse des points, la diversité des symboles et l’éclat des fils de soie attirent les brodeuses du XXIᵉ siècle. Ainsi, le Glazig continue de briller, fusionnant héritage culturel et goûts actuels, tout en restant ancré dans l’identité du pays Glazig, ce « petit bleu » devenu grand par sa beauté et sa résilience.
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